Kerkennah 01 | International Festival of Photography, Videography and Digital Arts in Kerkennah
L’artiste propose un changementd’horizon, de nouvelles perspectives, pour mieux aborder et confronter laréalité qui nous entoure. Jusqu’où peut-on voir au-delà de ce qui est visible ànos yeux, de notre perception et de notre capacité de reconstitution ?
L’appareil photographique n’existe pas uniquement dans nos poches sous forme depetite caméra intégrée à nos téléphones portables, nous permettant dedocumenter notre environnement direct et notre quotidien. Il est égalementprésent dans les microscopes, dans les télescopes, dans les satellites et dansles sondes spatiales voyageant aux points reculés de l’univers. Il n’a pas lasimple vocation de capturer ce qui est visible à l’œil nu : il rend possiblel'accès à un au-delà, il permet d'aller par-delà de ce qui pouvait, autrefois,être une utopie. Il est désormais concevable de voir en détail la surface dePluton, d'acquérir des images en dehors du système solaire. Quels sont alors laplace et le rôle de la photographie dans le monde d’aujourd’hui ? Est-ceun instrument, un organe qui complémente l'œil afin de rendre visible ce qui,jusqu'alors ne l'était pas ?
En s'interrogeant sur cesquestions, l'artiste noustransporte dans desdimensions qui transcendent notre quotidien et qui dépassant l'échellespatio-temporelle dans laquelle nous vivons. L’écran (qui est l’indispensablecompagnon de la photographie) et son support servent d'interfaces nous guidant vers ces nouvelles dimensions, où une autre prise de consciencedevient réalité.
IKA présente ici trois impressions : chaque travail est composé d'imagesréalisées et rassemblées à l'aide de techniques variées. Ces impressions accrochéesau mur sont des représentations d'objets en état d'élévation ; objets, quid'ordinaire gisent au sol ou flottent dans l'air. Ces travaux sont juxtaposés àdes animations activables depuis une tablette. L'effet résultant de cettejuxtaposition est une
réalité augmentée, offrant une vision échappant à l'ordinaire.
Les animations, tout comme les impressions qu'ellesaccompagnent, sont des« images d'images ». Ici, la matière première sont des « imagesready-made », réinvestieset transformées par l'artiste. IKAs'intéresse ainsi à la matérialité de l’image, ce qui enreste dans les transitions qu'elle endure, et ce qui y perdure à travers lesprocessus successifs de transposition.
Les animations traversent trois espace-temps recouvrant des échelles très distinctes : (1) à l'échelle humaine, une vue terrestre prisedepuis la route principale de l’île des Kerkennah; (2) à l'échelle microscopique, des images provenant de la biologiemoléculaire et reflétant le fonctionnement de nos cellules ; (3) et enfin, àl'échelle macroscopique, une vue de l'espace reconstituée à partir d'imagesextraterrestres.
Ces trois espace-temps sontprésentés sur un fond noir, qui, de par son esthétique, rappelle les premiersjeux vidéo. Les traits sont réduits au minimum, de manière à rendre les imagesplus abstraites. Cette réduction de l'information visuelle et la dominance dela linéarité permettent une prise de distance par rapport au contenu etune mise en avant du mouvement en soi, d'un déplacement vers un ailleurs encore inconnu.
Le titre « airplane mode » (traduitpar « mode avion ») est une référence directe à nos portables, tablettes et ordinateurs qui, durant un vol, restentdéconnectés de l’internet mais qui permettent néanmoinsd'accéder auxdonnées déjà stockées. Letitre suggère cette déconnexion, le recul face à l'emprise de l'internet et face audéferlement d'images sur les réseaux sociaux pour se consacrer à lapossibilité d’un « ailleurs ».
Se déplacer physiquement pour être ailleurs n’est plus une nécessité. Etsi l’au-delà était déjà ici-bas ?
Günhan Akarçay